Selon une récente étude publiée dans la revue Nature, 68% des obstacles à l’écoulement présents sur les rivières européennes feraient moins de 2 m de haut.
Oui et alors ? D’après les auteurs, la principale difficulté avec ce type d’obstacles serait leur recensement. Eh bien oui, il est davantage difficile de recenser des obstacles peu visibles comme les buses par exemple, que des gros barrages comme celui de Vezins (50). Sous-estimation de 61 % à l’échelle européenne d’après l’étude… Ce n’est pas rien, notamment en termes d’attentes européennes concernant la gestion des écosystèmes aquatiques. Décryptage de l’étude ci-dessous.
La méthode
36 pays européens ont été passés au peigne fin.
Les auteurs sont partis des différentes bases proposées par les pays participant à l’étude. Tout d’abord ces données ont été assemblées dans une base européenne inventoriant les obstacles à l’écoulement : l’atlas AMBER. Elles ont ensuite été « nettoyées » c’est à dire que la qualité de la donnée a été analysée, permettant par exemple de supprimer les doublons. Des agents de terrain se sont déplacés dans les différent pays afin de prospecter quelques linéaires de cours d’eau. Cette étape cruciale a permis de comparer les données théoriques aux données récoltées sur le terrain et de les compléter le cas échéant.
L’écart constaté a permis d’établir un taux d’erreur de signalement propre à chaque pays, au type d’ouvrage ainsi qu’à sa hauteur de chute. Grace à cela, les auteurs ont pu modéliser les différents obstacles à l’écoulement dans le but d’en faire une estimation la plus fidèle possible.
Les principaux résultats
L’ampleur de la sous-estimation (en bleu sur les graphes ci-contre) concerne principalement :
- les ouvrages de moins de 0.5m
- les gués et les buses
- la Suède, l’Albanie, la Grèce, … De part l’actualisation du Référentiel des Obstacles à l’Ecoulement, piloté par l’Office Français pour la Biodiversité (ex ONEMA), la France présente -d’après l’étude- une image réelle concernant la présence d’obstacles.
Il s’est avéré que les plus gros barrages, ceux supérieurs à 10 m de haut, concernaient moins de 1% de l’ensemble des ouvrages recensés. Egalement, que les petits obstacles étaient très nombreux et tout autant impactant pour les écosystèmes aquatiques. En effet, la perte de la connectivité fluviale est avant tout fonction du nombre et de l’emplacement des obstacles…
Au vu des objectifs européens concernant la reconnexion de 25 000 km de cours d’eau d’ici 2030, les auteurs préconisent d’établir une cartographie précise, notamment des petits obstacles, de développer les prospections des agents de terrain afin de déterminer la hauteur, l’état et l’usage de l’obstacle.
La réalisation d’une cartographie précise de l’ensemble du linéaire permettra d’établir une planification détaillée des actions à l’échelle du bassin versant ainsi qu’une réglementation concernant les usages des différents ouvrages.
En France, nous sommes bien positionnés en comparaison de certains voisins européens et malgré tout la restauration de la continuité écologique avec un argumentaire scientifique et réglementaire ne suffit pas toujours à mener les actions à termes. Ainsi les auteurs encouragent l’action publique à traiter dans un premier temps les petits obstacles, souvent laissés à l’abandon. Cette stratégie permettrait de gagner en efficacité, pour un coût moindre mais surtout elle serait mieux acceptée de la part des acteurs locaux, chose essentielle pour une restauration de la continuité écologique efficace.
Depuis 2018 en France, un plan d’action national, établi par le Ministère de la transition écologique et solidaire décliné par toutes les agences de l’eau, vise à une politique apaisée de la restauration de la continuité écologique.