Pose d’une sonde sur le Loing
Contexte du projet
La température des masses d’eau joue un rôle primordial dans la dynamique des écosystèmes aquatiques : elle influence la répartition spatiale des organismes vivants ainsi que leur cycle de vie : croissance, reproduction, déplacements, état sanitaire…
Cependant, le changement climatique provoque de profonds dysfonctionnements dans cette dynamique. La modification des régimes de précipitations et de la température des cours d’eau affecte fortement les fonctionnalités « naturelles » des milieux aquatiques, tout en augmentant leur sensibilité aux pressions anthropiques (urbanisation, agriculture, barrages, etc.). Ces perturbations se traduisent par des étiages sévères, une diminution du débit moyen des rivières et une augmentation de la température de l’eau. Cela entraîne également une baisse de la concentration en oxygène dissous, un paramètre crucial pour la survie des organismes aquatiques, et favorise la prolifération massive de biomasses algales, menant à des phénomènes d’eutrophisation.
Ces dysfonctionnements contribuent à la dégradation de la biodiversité dans ces milieux, entraînant la disparition d’espèces autochtones emblématiques de nos rivières, telles que la Truite fario ou l’Écrevisse à pattes blanches, qui sont peu adaptées à ces nouvelles conditions environnementales.
Face à ce constat, il devient essentiel de suivre l’évolution de la température sur le long terme. Conformément à la Directive-Cadre Européenne sur l’Eau, la Fédération du Loiret pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique a donc lancé en 2024 un vaste projet de réseau de suivi thermique des masses d’eau à l’échelle du département.
Les objectifs de l’étude
Le projet d’étude était destiné à répondre à plusieurs objectifs :
- Mieux comprendre les relations entre les variations de température et la dynamique des populations
- Identifier les pressions exercées sur les masses d’eau (barrages, pollutions, etc…)
- d’assurer le suivi du préférendum thermique* des espèces patrimoniales, ainsi que de l’état et de l’évolution de nos milieux aquatiques
Qu’est-ce que le « préférendum thermique » ?
Le « préférendum thermique » peut se définir comme l’ « Intervalle de valeurs de températures favorable au bon développement d’une espèce » (Seifert 2007).
Les poissons sont des espèces dites « poïkilothermes », c’est-à-dire des organismes à sang-froid, dont la température corporelle dépend de celle de leurs habitats naturels.Toute augmentation de la température de l’eau influe sur leur cycle de vie et sur leurs comportements saisonniers (reproduction, croissance, alimentation…).
Une modification de la température de l’eau entraîne ainsi des perturbations dans leur cycle comme notamment des changements de comportement durant la période migratoire, ainsi qu’une baisse de la fertilité et de la survie des œufs.
Plusieurs espèces piscicoles sont particulièrement sensibles aux changements de température dans les cours d’eau : l’Anguille Européenne, telles que l’Anguille Européenne (Anguilla anguilla), l’Alose Feinte (Alosa fallax), la Truite Fario (Salmo trutta) ou encore la Lamproie Marine (Petromyzon marinus).
Protocole détaillé de l’étude
Exemple de sonde thermique utilisée sur le réseau
À l’échelle du bassin versant de la Seine, 40 sondes ont été disposées selon 16 contextes préalablement identifiés sur l’ensemble du territoire du Loiret. S’étendant sur l’autre moitié du versant Loire du département, le réseau total couvre plus de 70 stations de suivi thermique. Les sondes sont mises en place pour une durée minimale de 5 ans, avec un enregistrement de la température toutes les heures.
1. L’emplacement des sondes a été déterminé de manière à mesurer le gradient thermique de la manière la plus précise possible, en fonction des caractéristiques physiques spécifiques du bassin versant (plans d’eau, canaux, etc.)
- Les sondes ont été installées sur des tronçons de cours d’eau présentant des faciès d’écoulement de type « radiers », dynamiques et peu exposés au soleil.
- Les zones lentiques ont été évitées, car les dynamiques hydrologiques y sont moindres et les températures risquent d’y être plus élevées, donc moins représentatives de l’état du cours d’eau.
- La profondeur d’immersion des sondes a été déterminée de façon à ce qu’elles restent sous l’eau de manière continue, malgré les variations du niveau de l’eau. Les sondes seront relevées deux fois par an à l’aide d’une navette étanche.
2. Les données collectées seront ensuite enregistrées et traitées selon plusieurs paramètres :
- Température instantanée minimale et maximale
- Amplitude thermique maximale
- Amplitude thermique journalière maximale et date d’observation
- Température moyenne journalière sur l’année
- Température moyenne minimale et maximale
- Température moyenne annuelle
- Température moyenne sur les 30 jours consécutifs les plus chauds de l’année et dates de cette période
- Température moyenne des 7 jours consécutifs les plus chauds et dates de cette période
Les résultats seront ensuite mis en relation avec les données recueillies par les autres partenaires de la Fédération (Office Français de la Biodiversité, syndicats de rivière, et fédérations de pêche concernées par les cours d’eau trans-départementaux).
Quelle est l’utilité d’une telle étude ?
La mise en œuvre d’un tel réseau de suivi permet à la Fédération du Loiret pour le Pêche et la Protection du Milieu Aquatique de recueillir un nombre important de données indicatrices sur l’état physico-chimique et écologique des masses d’eau et, le cas échéant, de dresser une cartographie complète des 16 contextes.
Ce réseau contribuera à :
-
Un
meilleur suivi du développement des espèces piscicoles
: en cas de variation thermique importante susceptible de créer des déséquilibres, le suivi thermique permettra de dater l’événement et de mesurer sa durée
- Une meilleure lutte contre les risques de pollution : les données enregistrées par les sondes subaquatiques du réseau thermique permettront de déterminer l’étendue temporelle de la pollution.
- Une meilleure compréhension des périodes de sécheresse : l’analyse des données permettra à la Fédération de dater la période d’assec et d’en établir la durée.
Il s’agira d’un outil de référence qui permettra, à l’avenir, d’ajuster les différents projets de gestion des cours d’eau prévus sur le territoire en fonction des résultats recueillis.
Ce projet a été rendu possible grâce au soutien financier de l’Agence de l’Eau Seine Normandie et de la Fédération Nationale de la Pêche en France.