Vue amont de la partie aval du Vilpion, affluent de la Serre et de l’Oise dans le département de l’Aisne
Contexte de l’étude
Dans le département de l’Aisne, les régimes hydrologiques des cours d’eau sont également perturbés par les dérèglements climatiques actuels. La pression sur la ressource en eau s’accentue en période estivale avec des étiages sévères, des déficits quantitatifs récurrents et une baisse significative des débits dans le lit des cours d’eau. Les périodes de sécheresse estivale sont de plus en plus fréquentes, mais difficilement anticipées, et les assecs de plus en plus importants représentent désormais une menace pour la vie aquatique, en particulier pour les têtes de bassin versant (truites et espèces accompagnatrices).
Face à ce constat, il devenait nécessaire, pour la Fédération de l’Aisne pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, de disposer de données chiffrées en vue de la mise en place d’une gestion volumétrique de l’eau afin de concilier le bon état écologique des milieux et les différents usages attribués dans le département (agriculture, industrie, urbanisme, etc.). Cette gestion passe par une meilleure connaissance du fonctionnement des eaux souterraines et superficielles, ainsi que des interactions existantes entre ces dernières.
Afin de mieux comprendre ce fonctionnement, la Fédération de Pêche a initié une démarche visant à déterminer les « débits biologiques d’étiage » des cours d’eau du département de l’Aisne. Bien que cette donnée soit estimée pour de nombreux cours d’eau en France, elle reste très peu mesurée dans le département.
Assec sur la Miette durant la sécheresse d’août 2022
Qu’est-ce que le » Débit Biologique » ?
Le débit biologique peut être défini comme le « débit minimum dans le lit du cours d’eau permettant le bon fonctionnement général des communautés vivantes » (Agence de l’Eau Loire-Bretagne, 2022).
Un débit biologique est un débit garantissant la bonne fonctionnalité des milieux aquatiques et des cours d’eau (maintien d’un environnement favorable à la faune et à la flore aquatiques, et préservation des principales fonctions écologiques du cours d’eau).
Exprimé sous la forme d’une plage de valeurs, ce débit est calculé pour la période d’étiage uniquement, période naturellement limitante pour les milieux sur le plan hydrologique. Néanmoins, il correspond à une valeur limite qui ne doit pas être considérée comme une valeur « acceptable » toute l’année, car il n’intègre pas certains paramètres liés aux hautes eaux, comme par exemple lors des crues morphogènes. Il peut être saisonnalisé, c’est-à-dire défini pour plusieurs périodes de l’année. Il représente alors la plage de valeurs favorable à certains enjeux spécifiques (reproduction de certaines espèces, mise en eau d’une zone humide, etc.).
Le débit biologique se rapproche (tout en étant sensiblement différent selon l’article L214-18 du Code de l’Environnement) du DMB (débit minimum biologique), calculé en aval des ouvrages et qui correspond au débit minimum garantissant la survie, la libre- circulation et la reproduction de la faune aquatique.
Méthodes et matériels utilisés lors de cette étude
Méthode EVHA
- Mire + décamètre ruban
- Courantomètre
- Lunette de visée topographique
- 4 à 6 opérateurs
= 4 à 6 jours de terrain
Méthode ESTIMHAB
- Mire + décamètre ruban
- Courantomètre
- 2 opérateurs
= 2/3 heures de terrain
Mesures avec un courantomètre
Courantomètre
Mesures prises avec une lunette de visée topographique
Mesure de la granulométrie
L’utilisation de deux méthodes distinctes pourrait paraître contre-productive, mais elle a une explication. La méthode EVHA a été utilisée et simplifiée pour des cas statistiquement acceptables par la méthode ESTIMHAB. Bien que moins chronophage, la méthode ESTIMHAB exige des critères plus stricts à respecter que ceux de la méthode EVHA, tout en nécessitant deux déplacements sur le terrain. Sur des tronçons de cours d’eau non compatibles, c’est donc la méthode EVHA qui a été appliquée.
Protocole détaillé de l’étude
Pour travailler sur ce sujet, la FDAAPPMA 02 a recruté au préalable un stagiaire en fin d’études, qui a réalisé une importante recherche bibliographique afin d’identifier les protocoles de mesure à mettre en place sur le terrain.
La méthode retenue pour la mesure des débits est une estimation du débit biologique par micro-habitats. Ce type de méthode permet de relier le comportement hydraulique au comportement biologique d’une espèce cible à un stade donné. Elle prend notamment en compte l’aspect piscicole.
2 types d’approches ont été utilisés :
- Une approche numérique : modélisation hydraulique des stations de mesures sur le tronçon étudié
- Une approche statistique : modélisation des préférences des espèces cibles à partir des paramètres hydrauliques
modélisés précédemment (vitesse, hauteur d’eau… )
Le réseau de stations de mesures a été déterminé en fonction de certains critères :
- Présence d’une station de mesure des débits à proximité
- Bassin versant en tension ou non
- Présence d’espèces à intérêt faunistique
- Respect des conditions d’application d’ESTIMHAB
12 stations de mesure ont été retenues en 2023 selon des critères de terrain :
- Accessibilité du site
- Représentativité
- Q1 > 2xQ2
- Détermination d’une gamme de débits minimums possibles en fonction des différentes cibles
- Sélection de critères supplémentaires pour déterminer une valeur : état écologique, sensibilité du milieu (critères physico-chimiques), changement climatique
Présentation de l’étude en vidéo !
Cette étude a été financée par l’Agence de l’Eau Seine Normandie, la Fédération Nationale de la Pêche en France et la région Hauts-de-France.