Contexte du projet

Affluent de rive droite de la Divette, le Trottebec est une rivière normande qui s’écoule dans le département de la Manche (50). Ce cours d’eau est classé en 1ère catégorie piscicole et inscrit sur la Liste 1 et 2 de l’article L.214-17 du Code de l’Environnement. Conformément à la législation sur l’eau et l’environnement, « tout ouvrage présent sur le cours d’eau doit être géré, entretenu et équipé afin d’assurer la libre circulation des poissons migrateurs et des sédiments ».

Le projet de restauration de la continuité écologique du Trottebec, situé en partie sur le domaine du château des Ravalet, près de la commune de Cherbourg-en-Cotentin, est l’aboutissement d’une longue réflexion amorcée au début des années 2000 sur l’aménagement de l’ouvrage hydraulique d’alimentation des douves. En effet, les douves du château étaient alimentées par un tronçon dérivé du Trottebec. L’eau était prélevée par un ouvrage hydraulique situé à 1 km en aval, à proximité du plan d’eau des Costils, un site autrefois classé en 1ère catégorie piscicole, aujourd’hui reclassé en Pisciculture à Vocation Touristique. Elle était ensuite acheminée jusqu’aux douves via un bief partiellement maçonné.

Problématique

En amont du plan d’eau, le Trottebec présentait une dynamique fluviale très artificialisée, caractérisée par :

  • Une alternance de tronçons dit « naturels » et de tronçons perchés à flanc de versant et déplacés (biefs), témoignant de l’utilisation passée de la force hydraulique (moulins).
  • La présence d’ouvrages hydrauliques (ROE 120154, ROE 120153, ROE 120152), aujourd’hui abandonnés et non entretenus. Bien qu’aucune analyse ICE (Information sur la Continuité Écologique) n’ait été menée, ces ouvrages ont été identifiés comme difficilement franchissables pour les espèces piscicoles.

En aval de la zone d’étude, l’ouvrage d’alimentation du bief desservant les douves (ROE 120305, ROE 39716) provoquait une rupture dans le profil longitudinal du lit mineur ainsi que dans le transit sédimentaire. Malgré ce contexte, le cours d’eau, bien que redressé, semblait amorcer la recréation de méandres sur ce secteur. Avec une exposition favorable, cette portion était particulièrement poissonneuse, comme en témoignent les résultats d’une campagne de pêche d’indices truites menée entre 2007 et 2008, où 79 truitelles et 5 Truites Fario y ont été recensées

Le projet de restauration

Dans le cadre du contrat de territoire « Eau et Climat » 2020-2022, signé avec la communauté d’agglomération « Le Cotentin » et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, la Fédération de la Manche pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique s’est engagée à porter un projet de restauration de la continuité écologique du Trottebec. Ce projet visait à concilier la libre circulation piscicole et sédimentaire avec la préservation du patrimoine historique.

Domaine du château des Ravalet

Seuil de bipartition du débit du Trottebec en 2019

Les objectifs du projet

Les travaux de restauration de la continuité écologique dans le cadre de ce projet avaient pour objectifs :

  • Le rétablissement de la continuité écologique, incluant le franchissement piscicole, le transport sédimentaire et l’échappement du débit biologique dans la partie aval du ruisseau ;
  • La prise en compte de l’alimentation des douves du château des Ravalet et du plan d’eau des Costils dans les travaux de restauration
  • La restauration des habitats naturels du cours d’eau et des zones humides associées
  • L’augmentation des reproductions naturelles des espèces piscicoles
  • Une gestion mieux adaptée du niveau d’eau dans le canal d’amenée
  • L’amélioration de la qualité de l’eau avec notamment, la suppression du rejet direct du plan d’eau

La principale contrainte de ces travaux était d’ordre patrimonial, avec l’obligation de maintenir l’alimentation des douves du château par le trop-plein du plan d’eau des Costils, plutôt que directement par le Trottebec.

Solutions techniques

Le principal intérêt de ces travaux résidait dans la volonté d’alimenter les douves du château par le trop-plein d’eau de la zone humide (plan d’eau des Costils), plutôt que directement par le Trottebec. Pour atteindre ces objectifs et après concertation, deux solutions ont été envisagées afin de limiter l’impact sur le Trottebec, de préserver son lit naturel et de supprimer l’ouvrage de dérivation actuel :

  • Utiliser l’exutoire du plan d’eau en rive gauche pour alimenter le canal en rive droite et supprimer totalement l’ouvrage de dérivation existant. Un aqueduc a été aménagé et dissimulé sous la passerelle afin de le faire passer en rive droite, dans le canal d’amenée.
  • Réaménager la prise d’eau de l’étang en rétablissant une partie du Trottebec dans son talweg d’origine, tout en installant un ouvrage semi-enfoui en berge. Cet ouvrage, positionné en amont du plan d’eau, permettrait un prélèvement passif du débit nécessaire pour alimenter à la fois le plan d’eau et le bief desservant les douves du château.

AVANT TRAVAUX

  • Ruisseau très artificialisé
  • Cours d’eau déplacé de son lit originel (biefs)
  • 2 prises d’eau problématiques successives qui alimentaient le plan d’eau des Costils et les douves du château
  • Plusieurs ouvrages infranchissables par la faune piscicole

PROJET

  • Restauration d’un lit unique du Trottebec dans le talweg de la vallée
  • Remplacement des seuils des deux prises d’eau par un ouvrage unique, gravitaire et situé en berge
  • Modification de l’exutoire du plan d’eau afin d’alimenter en série le canal d’amenée aux douves
  • Suppression du rejet direct du plan d’eau dans le Trottebec
  • Effacement de 750 mètres de bief
  • Aménagement d’un lit emboîté discret, affleurant à la parcelle, pour maximiser les gains écologiques
  • Construction d’une grande passerelle piétonne-aqueduc, de 2 passerelles pour engins et de 2 passages pour pêcheurs

APRES TRAVAUX

  • Les douves du château sont désormais alimentées par le trop-plein du plan d’eau des Costils, acheminé via un ouvrage souterrain situé en amont et en aval de la zone humide.
  • Les débits du Trottebec sont désormais concentrés sur un seul lit, ce qui contribue à une meilleure résistance du cours d’eau aux phénomènes d’étiage et favorise une hydromorphologie adaptée au niveau typologique du tronçon.
  • Le rejet de l’étang n’est plus directement déversé dans le cours d’eau, mais est désormais mélangé à l’exutoire des différentes pièces d’eau du château. Cette configuration vise à éviter tout épisode d’effets délétères liés au rejet du plan d’eau. Au niveau de l’exutoire, les débits provenant du bief d’amenée auront été décantés, tamponnés thermiquement et mélangés au rejet général du château afin de s’y diluer.

Description des travaux

Les travaux ont été réalisés en deux phases :

Phase 1 : Dérasement et remplacement des seuils par des passerelles mixtes (Octobre 2020)

Avant travauxAvant travaux

Vue amont du seuil ROE 12 840

Avant travauxAvant travaux

Vue aval du seuil ROE 12 840

Avant travauxAvant travaux

Vue aval du seuil de bipartition du débit du Trottebecq (ROE 39 716)

Phase 2 : Déplacement du Trottebec dans son talweg d’origine en amont du plan d’eau des Costils (Juillet 2022)

Creusement du lit « brut » dans le talweg de la prairie

Vue rapprochée du tracé brut du nouveau lit avant encailloutement d' »armure »

Transfert de la granulométrie des biefs dans le nouveau lit avec le profilage des berges en lit « emboîté » invisible

P.S : À une profondeur de 60 à 70 cm, un horizon épais (plus de 50 cm) composé de galets roulés a été mis au jour, attestant de la présence d’un ancien lit alluvial. À la suite de cette découverte, la Fédération de pêche a décidé de suivre le plafond de cet horizon pour ajuster le fond du lit et exploiter ces matériaux endogènes, dans le but de limiter autant que possible l’artificialisation de ce tronçon.

Des résultats prometteurs !

Mise en eauMise en eau

Nouveau lit du cours d’eau dans sa partie aval

Lors de son ouverture

Quelques heures après ouverture

1 an et 2 mois après ouverture

Bras ouvert en amont pour raccorder le tronçon conservé du Trottebec au nouveau lit.

Lors de son ouverture

Quelques jours après ouverture

Plus d’1 an après ouverture

Bras ouvert en contrebas de la route communale au sud des parcelles de la FDAAPPMA 50.

Le projet a permis :

  • Le démantèlement de 3 obstacles à la libre circulation des poissons et des sédiments
  • La suppression du rejet direct du plan d’eau dans le lit de la rivière
  • La suppression de 750 mètres linéaires de bief
  • La recréation de 500 mètres de linéaire

Présentation du projet en vidéo !

Le montant total des travaux s’élève à 169 799,88 € TTC. Le projet a été financé à 90 % par l’Agence de l’Eau Seine Normandie, à 9 % par la commune de Cherbourg-en-Cotentin et à 1 % par la Fédération Nationale de la Pêche en France.

La Fédération de la Manche pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique tient à adresser ses remerciements les plus chaleureux à l’AAPPMA « La Truite Cherbourgeoise – Mouche de Saire » pour sa précieuse contribution lors des pêches de sauvetage menées dans le cadre de ce projet.